samedi 1 juin 2013

Il a écrit...(5)

Les docteurs tans-pis, penchés au chevet de notre civilisation, ont tort : notre vaisseau spatial collectif n'est pas près de sortir de la galaxie Gutenberg. Que sont donc les affiches géantes, les colonnes Morris, chatoyantes, les néons qui le soir font danser nos villes par leur mille énigmes clignotantes, sinon des manifestations de l'écriture? Que sont les vitrines des maisons de la presse ou des aubettes sur mon chemin? Que sont les lettres m'assurant longuement que je suis le plus heureux des hommes parce que j'ai gagné?
Ce qui est vrai, c'est que nous sommes entrés dans l'ère de l'écrit coup-de-poing. Il y a trop à lire dans nos rues. Massifs, les écriteaux et les panneaux. Massives, les pancartes, les enseignes, les réclames. Physiquement massifs, ces écrits-là le sont aussi linguistiquement. L'ère est advenue du nom isolé, coupé de tout verbe et de tout devenir. Il est là. Assertion sans justification, valant par sa propre présence.
Cette course à l'affirmation sans partage, ceux qui la mènent la paient. Car l'hyperbole ne peut rien contre l'usure. L'excessif est négligeable, et la gueulade est dérisoire.

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